Les industries de la transition écologique se heurtent au mur de la réalité, alors que les industries fossiles ont encore la cote auprès des consommateurs. Les secteurs du pétrole, du charbon et du gaz se portent très bien !

En octobre, la première compagnie mondiale Exxon, a signé un chèque de 60 milliards de dollars pour racheter Pioneer Natural Resources. Chevron, une autre « major » américaine, a lancé l’acquisition de Hess pour 53 milliards de dollars.

Ajoutons à ces mouvements une autre opération : Glencore, major du trading de matières premières, a mis la main sur les activités du groupe canadien Teck dans le charbon pour 7 milliards de dollars.

Les énergies fossiles ont donc encore la cote auprès des investisseurs, et pour cause, les différentiels de prix entre les différentes sources d’énergie sont sans appels.

En France, la cour des comptes estime entre 35€ et 45€ le coût du MWh d’électricité au gaz et entre 20€ et 25€ le prix du charbon, contre 61€ à 91€ pour l’éolien terrestre, et 74€ et 135€ pour le photovoltaïque. Sans compter le développement de l’éolien en mer qui atteint 140€ à 200€ du MWH, ou encore l’hydrolien estimé à environ 250€.

Dans ce contexte, il est n’est pas étonnant de constater que malgré les effets d’annonces, les subventions massives sur le renouvelable, l’évolution considérable des règlementations, sans compter les efforts de recherches et de développement incroyables, bon nombre d’entreprises stars de la transition écologique vivent des moments difficiles.

Plug Power, ex-star de la pile à combustible, a connu un destin sinistre. Les investisseurs ont fini par se lasser de voir la société consommer sa trésorerie plus vite qu’elle n’a jamais produit d’hydrogène, conduisant à une chute de sa valeur de 70% sur un an.

Vestas, le numéro mondial de l’Eolien s’approche de la rentabilité en 2023 en atteignant une marge opérationnelle, hors exceptionnels de 3%, après des années de pertes !

L’Allemagne vient d’accorder une garantie d’Etat à Siemens Energy, qui atteindra jusqu’à 7,5 milliards d’euros. Un plan de sauvetage considérable, à la mesure des désillusions qui frappent l’éolien en mer.

Orsted, le géant danois, a perdu plus de 50% de sa valeur en Bourse depuis six mois. De grands projets sont en déroute, dont un projet ferme Eolienne Offshore au large du New Jersey aux Etats Unis.

Aux États-Unis, Iberdrola a préféré débourser 48 millions de dollars plutôt que de se lancer dans la construction de champs Eolien Offshore au large des côtes du Massachusetts dont la rentabilité est devenue hasardeuse.

En Europe, la première tranche du gigantesque projet Markbygden, au large de la Suède, est au bord de la banqueroute.

 

La transition écologique se heurte au mur du réel. À trois murs, en réalité :

  • politique,
  • technologique,
  • financier.

Le mur politique, d’abord, car derrière l’angoisse croissante de la cause écologique dans l’opinion publique et les objectifs imaginés dans des groupes d’experts, se cache la question plus concrète de l’acceptabilité par les populations environnantes.

Les résistances se durcissent, y compris de la part de ceux qui se revendiquent écologistes, à l’image des éoliennes offshore qui compromettent le cadre de vie de certaines espèces marines.

Le phénomène « not in my backyard », autrement dit, « pas chez moi » a pris une ampleur considérable, amplifiée par la découverte des conséquences environnementales, qui ne sont pas si négligeables.

Le mur technologique oblige à remettre les pendules à l’heure. Le meilleur exemple est celui de l’hydrogène, devenu la solution miracle pour boucler les scénarios de décarbonation de l’industrie ou des transports.

Seulement 4% des projets en la matière sont effectivement financés, tout simplement parce qu’il n’y a pas de modèle économique qui tienne…

La hausse des taux fait passer à la révolution verte une redoutable épreuve de vérité.

En quelques mois, l’environnement financier a radicalement changé et oblige à faire un tri sans pitié entre les idées qui ont un avenir, et celles qui devront repasser par la case étude. Ce grand ménage est probablement salutaire.

D’une part, il sort du paysage les solutions pour lesquelles seul l’argent gratuit des banques centrales et des guichets à subventions aurait permis de financer, et d’autre part, il va obliger tous les acteurs à serrer leurs coûts.

L’industrie du pétrole a des choses à leur apprendre. En 2014-2015, le baril a plongé à 50 dollars, après avoir été pendant des années autour des 110 dollars.

Ce type d’événement oblige toute la chaîne de production et de sous-traitance à une adaptation brutale.

La jeune industrie de la transition écologique aura un avenir si elle apprend, dès son adolescence, à développer des modèles économiques durables, pour permettre son acceptation sociale, et sociétale, car il est indispensable de pouvoir concilier fin du monde et fin du mois.

Des solutions et innovations existent, mais avez-vous un économiste pour vérifier la viabilité économique des solutions qui vous sont proposées ?

 

Matthieu LAMY

Expert Economiste de la Construction

Matthieu LAMY est Président du groupe RLB|SQA, cofondateur du Club du Mieux Construire, Président de l’Organisme de Qualification des Economistes de la Construction, Représentant de la France au Conseil Européen des Economistes de la Construction, Représentant de la France au sein de l’International Cost Management Standard (ICMS), Diplômé d’Expertise Comptable, Inscrit à la Cour d’Appel de Versailles

[1] La cour des comptes estime dans son rapport « LE SOUTIEN AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES » que le montant des aides engagé à fin 2017 s’élève à 121 milliards d’euros
[2] C’est le cas notamment du Parc naturel marin des estuaires et de la mer d’Opale, qui a obtenu l’annulation du projet